Après avoir réussi un coup d’éclat avec La fille du géant du gel, l’artiste revient avec Adieu Aaricia. Avec cet album, il contribue à une série d’heroïc-fantasy et de science-fiction cultissime qui nous renvoie forcément à nos souvenirs d’enfance.
Il a saisi l’opportunité d’avoir une carte blanche pour entreprendre seul aux commandes « son » épisode. Honoré, il a rapidement eu l’idée de cette rencontre entre un Thorgal âgé qui serait le sien et un héros plus jeune, que l’on avait déjà aperçu lors de certains tomes et notamment dans L’enfant des étoiles, le septième volet.
On y retrouve un vieillard en fin de vie, accablé par la tristesse. Il vient de perdre sa compagne de toujours et il fait peine à voir. C’est à ce moment que son vieil ennemi le serpent dieu NIDHOGG surgit et lui fait une proposition forcément malhonnête, il lui tend un piège maléfique dans lequel l’être diminué va finalement tomber. Par le biais d’un anneau magique il va faire un saut dans le temps dont il ne sortira pas indemne.
Le bédéiste a eu l’intelligence de rester le plus près possible du personnage que l’on connaît tous et que l’on aime. Il a relu tous les albums et apprécié à nouveau le dessin détaillé d’un monstre sacré du neuvième art, humble et génial, au style inimitable, qui a toujours fait le choix de dessiner naturellement des situations et de mettre son talent au service d’une œuvre qui fait aujourd’hui référence en matière de bd franco-belge.
Robin Recht insuffle un nouvel élan avec une pagination plus libre qui autorise un développement lent, bien construit de son intrigue, il prend le temps de décrire des humeurs plus intimistes mais aussi de composer une kyrielle de personnages. Il a puisé dans l’univers de la série et repris les éléments qu’il avait appréciés les baalds, les fameux hommes vêtus de peaux de loups et puis les décors détaillés, bruts et sauvages, les drakkars, les fjords qui nous renvoient assez facilement en Scandinavie.
Il s’est approprié avec talent les jouets des créateurs tout en insinuant avec malice son regard moderne.
Pour ce projet, il a transformé son style graphique, assez intellectuel et nerveux en une approche naturaliste plus respectueuse des éléments. Il a essayé de récupérer le groove du grand maître. Comme lui, il a choisi un flux de lecture continu, très immersif facilité par un gaufrier régulier, souvent en 3 bandes et c’est très efficace. On est hypnotisé voire aspiré du début à la fin.
Côté dessin, il en impose avec une technique traditionnelle complétée par des retouches en numérique qui lui donnent l’occasion de soigner visages et paysages. Il tire habilement profit des deux procédés bénéficiant d’une part de l’énergie, de la sensualité de l’encre et du papier combiné à la souplesse autorisée par la technologie. Ce modus operandi hybride génère des scènes de combat excitantes et réalistes et un cadre prodigieux.
La colorisation de Gaëtan Georges est une excellente surprise. Il installe des ambiances superbes tout en accentuant la lisibilité de la BD. Le dosage est subtil et l’harmonie parfaite. Il souligne les intentions de son partenaire dont il met magistralement en valeur les illustrations. Ses jeux de lumière sont ensorcelants.
Robin Recht a de quoi être fier de cet opus, son amour pour cette série et ses protagonistes transpire. Il s’est inscrit dans la continuité, collant au plus près mais sans copier, relevant avec panache un immense défi. Il s’est offert, à 48 ans, un immense kiff et il a bien fait car il procure du même coup aux lecteurs des sensations délicieuses. Avec ce one shot qui inaugure la collection THORGAL SAGA, et qui peut se lire indépendamment, il met la barre très haut en nous embarquant dans une aventure qui tient au bout du compte toutes ses promesses.
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