Les lumières de l’aérotrain est un ovni surprenant et déjanté réalisé conjointement par le tandem Aurélien Ducoudray et Johann Corgié. C’est un one shot bouleversant édité par Grand Angle, une histoire menée tambour battant au cours de laquelle on est littéralement happé par la narration et bousculé par la fin.
Inspiré par un documentaire qui l’avait intrigué mais aussi par un fait divers qu’il avait couvert lorsqu’il officiait en tant que journaliste, Aurélien Ducoudray avait entamé l’écriture de cette histoire il y a quelques années.
Dans ce récit, il décrit un trio composé de deux garçons et une fille, une association pas très heureuse, de vieilles connaissances, ils vivent les uns à côté des autres et ils arrivent au bout de quelque chose. Romuald, Hervé et Mathilde ne sont pas prêts à passer le cap. Alors, ils s’inventent des échappatoires. Pour le premier, c’est une passion dévorante pour l’aérotrain, pour le second, son scooter et les pétards. Quant à Mathilde, caissière de fortune, elle végète sans avoir véritablement d’horizons.
Ils ont leurs petites habitudes, quelques lieux où zoner et notamment au pied d’un pylône d’aérotrain, un objet d’un autre temps, un décor presque post apocalyptique. Leur équilibre est un jour perturbé par l’arrivée d’une femme fatale : Lucie, une petite peste au visage d’ange qui a tout pour qu’on lui fasse confiance.
Les apparences sont parfois trompeuses et les trois compagnons vont vite en faire les frais.
Aurélien Ducoudray signe un récit bien construit, il campe des personnages pathétiques, extrêmement intéressants. Si les garçons sont des abrutis, les filles s’en sortent un peu mieux. Ils sont tous à un moment charnière de leur vie où les décisions se prennent. Malheureusement pour eux, ils trimballent leurs frustrations et leurs colères. Ils vont surtout être la proie d’un concours de circonstances qui va avoir des conséquences irréversibles.
L’auteur explore le champ des émotions avec habileté. Il nous rappelle que l’équilibre est fragile et qu’il est dangereux d’abuser des gens. Il nous embarque littéralement avec un humour tragique et délicieux et un scénario captivant.
Il hameçonne le lecteur avec intelligence et le fait glisser peu à peu vers l’horreur.
Quant à Johann Corgié qui signe sa première BD au dessin, il nous laisse une forte impression. Il a relevé un immense défi acceptant de s’éloigner de l’univers fantastique qu’il maîtrise davantage. Sans céder à la facilité, il propose un découpage dynamique qui accompagne l’emballement de l’histoire avec brio. Il livre des illustrations qui suivent les codes de la BD humoristique au premier abord tout en apportant un petit côté manga très sympathique.
Les lumières de l’aérotrain est un album qui parlera particulièrement aux quadragénaires car il est bourré de clins d’œil au siècle passé. L’opus est réussi, bien ficelé et visuellement très agréable. La prestation graphique est à limage de la couverture : lumineuse.
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