Kivu est un album d’utilité publique, engagé, terrifiant et révoltant dans lequel cohabitent le pire et le meilleur de l’humanité.
Il s’agit de la dernière création de Jean Van Hamme, une fiction illustrée par Christophe Simon et éditée par Le lombard dans la collection Signé. Elle est destinée à un public ayant plus de 16 ans.
Motivé par l’envie de dénoncer un scandale mais aussi de satisfaire son ami, le scénariste a entrepris ce livre dessiné avec lequel il a pour la première fois d’autres ambitions que de divertir le lecteur.
Il nous invite à partager les désillusions d’un jeune ingénieur envoyé en Afrique à l’Est du Congo par le groupe industriel qui l’emploie. A son arrivée, il se prend d’affection pour la jeune Violette, une Africaine de 12 ans qui vient juste d’échapper à un massacre. Traumatisée par les événements, il décidera de veiller sur elle et de l’aider quitte à prendre de sérieux risques. Il va rapidement découvrir l’horreur.
Ave ce récit, Jean Van Hamme met en lumière les souffrances de tout un peuple qui subit la barbarie dans une indifférence totale. Parce qu’ils sont la cible des tribus Hutus génocidaires du Rwanda et qu’ils possèdent sur leur territoire le précieux coltan, ils sont chassés de leurs terres, tués, mutilés ou violés.
L’auteur partage avec nous son écœurement et nous invite en filigrane à nous renseigner sur la provenance des matériaux utilisés pour concevoir les produits phares de nos sociétés consuméristes. (batteries, portables, tablettes, smartphones…..).
Avec le personnage de François, il valorise la désobéissance et critique la complicité des multinationales qui ferment les yeux et achètent les minerais sans se poser de questions. Il rend surtout un hommage vibrant aux hommes qui travaillent régulièrement à l’hôpital forteresse de Panzi, et en particulier au Docteur Guy-Bernard Cadière une sommité internationale et au docteur Denis Mukwege « l’homme qui répare les femmes » dont il souligne l’humanisme et le courage.
De son côté, Christophe Simon s’est beaucoup investi, il s’est rendu sur place pour des repérages affrontant tous les dangers.
Il livre une prestation pleine d’intentions qui sert admirablement la narration opposant une nature sauvage et dangereuse à une cité occidentale sans âme. Il dessine l’effroi et l’inconfort, le pesanteur et la haine avec beaucoup de justesse. Il parvient dès les premières pages à nous mettre mal à l’aise.
Kivu est bien plus qu’un album de Bande Dessinée, c’est un acte militant , un reportage déguisé dans lequel tout est bien réel, un exercice maîtrisé parfaitement exécuté, l’œuvre de deux artistes belges qui ont su combiner leur talent pour transformer leur colère en un essai essentiel et percutant.
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