Avec sa couverture souple et ses 128 pages, il revient avec intelligence sur le cheminement de l’ex garde des sceaux, de son enfance jusqu’au douloureux procès de Klaus Barbie. Il met en perspective son engagement pour l’abandon de la peine de mort en France. Il traite également du rôle d’un avocat de la défense et des certitudes indispensables pour accomplir cette lourde et nécessaire mission.
Militante pour l’abolition universelle de la peine capitale, féministe engagée, l’autrice maîtrise son sujet car elle a travaillé dessus pendant 10 ans pour sa thèse. Elle livre un récit important pour lequel elle a puisé dans les archives mais aussi dans les écrits de l’homme politique, juriste et essayiste.
Elle ouvre la narration en 1972 par l’affaire Bontems, la condamnation à mort d’un homme qui n’a pas tué mais qui sera pourtant exécuté, un procès et son issue funeste qui seront à l’origine de la lutte acharnée de Robert Badinter. Il se poursuit sur un autre événement inoubliable : le cas Patrick Henry un criminel difficile à défendre dont le procès sera par extension celui de la peine de mort. Ses avocats auront la bonne idée d’adopter une ligne de défense pertinente qui sauvera sa tête.
L’histoire comprend des flashbacks qui nourrissent la conviction d’un homme absolument déterminé à mettre un terme aux assassinats programmés dans notre pays. Elle s’achève sur sa victoire et ses conséquences.
L’autrice rapporte comment cette thématique est parvenue à transcender, éclipser les clivages politiques ce qui est réconfortant mais trop rare.
Malo Kerfriden s’est lui aussi beaucoup investi dans le projet qui lui a demandé un an de travail. Compte-tenu de la charge de travail importante, il a réalisé son premier album totalement en numérique. La bichromie qu’il a imaginé et son trait élégant apportent beaucoup de force à un récit qui n’en manque pas. Abolitionniste convaincu, il a été contacté par la scénariste après un échange sur les réseaux sociaux. Il est parvenu à aborder le sujet avec un parti pris graphique adapté, sans désir de choquer ou de bousculer le lecteur. Il a effectué un travail de documentation important et s’est montré particulièrement pointilleux sur les détails, travaillant en séquences au gré de ses recherches.
C’est la fin d’une longue marche amorcé dès 1764 que nous proposent les bédéistes. Après avoir été la première nation à interdire la torture, l’une des premières d’Europe à prohiber l’esclavage, la France n’abandonnera que tardivement la peine de mort devenant seulement le trente-sixième pays à prendre cette décision. Elle le doit au courage politique de quelques élus résolus et en particulier à un homme dont la carrière politique est inattaquable, l’envergure morale notoire et la popularité inébranlable.
Avec ce one shot séduisant qui constitue un bel hommage, Marie Gloris Bardiaux-Vaϊente et Malo Kerfriden nous proposent une plongée instructive et réussie dans les coulisses de notre Histoire.
Ecoutez la Chronique :