Edité par Sarbacane, il associe le dessin élégant et old school d’Arnaud Floc’h et les belles couleurs de Christophe Bouchard.
Après Emmett Till, Le carrefour, Monument Amour, le Brestois est parvenu à réaliser un album qui lui ressemble s’inspirant en premier lieu de son combat viscéral contre le racisme.
Lors de la phase de maturation, il a continué à alimenter ses passions, écoutant de nombreux standards de la soul et du blues et assouvissant au quotidien son goût prononcé pour la littérature américaine et en particulier pour l’auteur James Lee Burke auquel il fait de sympathiques clins d’œil tout au long du livre.
Il s’est entouré des conseils de ses amis proches et de son éditeur avec lequel il a conçu cette couverture accrocheuse et réussie.
Une fois de plus, il est parti d’un fait divers qui s’est produit en 1926, la découverte après un ouragan d’un enfant blanc par un fermier noir. C’est ce qui lui a servi de base pour bâtir une histoire d’amour et de haine entre deux frères, une compétition musicale qui prend aux tripes avec comme toile de fond une histoire américaine dure et passionnante.
Le titre du livre fait bien sûr référence à un grand nom du blues, Lightnin’ Hopkins. Dans cet opus, le bédéiste a pris plaisir a inventer la jeunesse du chanteur et guitariste aveugle dont la notoriété commença bien plus tard. Il a imaginé comment il devint le grand musicien qui connut à la fin de sa carrière d’ immenses succès.
Avec une typographie originale, une écriture scripte, des cases carrées ou rectangulaires, des phylactères réalisés directement sur les originaux, l’artiste impose sa touche singulière, artisanale et résolument vintage.
Il nous interpelle d’emblée avec un animal emblématique du sud et des bayous : un raton laveur à trois pâtes qui semble nous inviter à le suivre. La narration s’ouvre sur quelques planches magnifiques qui posent rapidement le cadre et nous hameçonnent avec efficacité.
A force de s’exercer à faire des portraits des personnalités de la soul musique sur des sous bocks, Arnaud Floc’h a beaucoup progressé réalisant des personnages dotés d’une rare expressivité. Son dessin chargé et dense est éclairé par des traits noirs racés qui rappellent ses influences.
Christophe Bouchard est parvenu a tirer le meilleur de sa technique, il a su obtenir de belles ambiances réalisant un travail pictural d’envergure. Il a trouvé des méthodologies de mise en couleurs qui préservent dessin généreux et sombre tout en le sublimant.
Mojo hand est un cri du cœur contre l’injustice, une œuvre militante captivante et prenante qui met en relief une triste réalité, la ségrégation et le racisme persistant. Pour mieux ancrer et passer ses idées, l’auteur suscite l’émotion tout en célébrant une culture noire qui le porte depuis tant d’années. Il nous offre en fin d’album sa playlist , une sorte de bande originale composée et jouée par des descendants d’esclaves qui donnent à cette bande-dessinée une puissance mystique exceptionnelle.
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