Ca Pétille - Slava T3 Un enfer pour un autre

Ca Pétille par Stéphane BERDUCAT :

Un enfer pour un autre c’est l’acte ultime de SLAVA, la trilogie monumentale de Pierre-Henry Gomont pour Dargaud,

une fresque au long court économique, politique et sociale dans laquelle son géniteur distille avec l’intelligence qu’on lui connaît une vaste réflexion sur le déclin d’une idéologie collective et naïve au profit d’une autre capitaliste, agressive et impitoyable.

C’est l’histoire d’une population qui assiste déboussolée à la chute du communisme et à la montée en puissance des oligarques, des escrocs déterminés à s’enrichir par tous les moyens et à démembrer pièce par pièce des usines, des mines qui faisaient autrefois la fierté d’une nation.

Comme à l’accoutumée, dès qu’une crise émerge, il y a ceux qui vont se battre de toutes leurs forces, avec vigueur comme la pétillante Nina qui dans ce troisième volet est fascinante, ceux qui vont tracer leur chemin comme Slava et les autres qui suivront et subiront passivement. Et puis, bien évidemment, il y a les profiteurs, les vautours, qui à l’image de Lavrine sont prêts à vendre leur âme pour quelques billets verts.

L’artiste nous propose de suivre des personnages parfaitement brossés qui inscriront leur destin personnel dans ce virage historique, cette conjoncture décisive. Ce sont de acteurs attachants, inspirés par des proches si on en croit les indications en postface et qui dans cet ultime opus ne vous laisseront à coup sûr pas indifférents. Certains obéiront à leur instinct, d’autres auront une prise de conscience ou une révélation. Ils ont pour intérêt de susciter en nous de l’empathie, du respect ou un agacement profond. Ils composent un casting touchant et même si la caricature n’est jamais très loin, c’est un réel bonheur de les voir évoluer, s’agiter et se débattre avec passion.

Fruit de ses nombreux voyages en Europe Centrale et Orientale qu’il a longuement parcourue en vélo, Slava est un triptyque extrêmement abouti dans lequel le bédéiste fait preuve d’ une fibre littéraire marquée. Il nous conte le far west à l’est composant une matière exaltante qui ne manque pas d’épaisseur.

L’auteur, met en place trois actes qui nous retournent la tronche, illustrent à merveille un effondrement, le remplacement d’intérêts collectifs au profit d’ambitions individuelles, le glissement d’un monde vers un autre, un moment charnière, une transition irréversible.

Il a pour originalité de nous mettre au niveau des travailleurs qui sont en première ligne, fauchés par une mutation à laquelle ils assistent contraints et forcés. La tragédie est en place, le final se doit d’être à la hauteur. Il est simplement époustouflant.

On ressent une nostalgie, un vacillement, une cassure, un cataclysme que le dessinateur orchestre avec talent. On est loin de l’enthousiasme dont on nous a tant parlé à l’ouest, les lendemains sont moins chantants, moins réjouissants. Le point de vue est sans doute plus en phase avec la détresse d’une population médusée et hagarde. Ce troisième volet contient également une virulente analyse du marché de l’art, pas toujours éclairé et régulièrement objet d’artifices, de tromperies et de ruses en tout genre.

L’ancien sociologue signe une prestation singulière, originale, personnelle, sincère, un découpage rafraîchissant, un dessin à la plume dynamique, des jolis paysages, des décors orientalistes splendides, des figurants aux traits marqués et des ambiances renouvelées et entraînantes. On est littéralement embarqués par le souffle épique de cette BD généreuse et vivifiante.

SLAVA c’est 300 planches tourbillonnantes, une histoire captivante qui met rapidement en lumière le génie de son créateur qui réactive judicieusement, à l’aide d’une intrigue lumineuse, notre esprit critique. Les éléments s’imbriquent à la perfection laissant apparaître au fil des pages une narration ciselée, fine, complexe qui s’achève sur une conclusion éclatante.

On ne ressort pas indemne de cette lecture, elle infuse lentement et nous questionne ce qui est sans doute la force de ces écrits qui nous marquent inéluctablement.

 Ca pétille c'est la chronique qui vous permet de suivre toute l'actualité de la bande dessinée, avec la présentation d'une nouvelle BD chaque semaine ! 
Stéphane Berducat vous fait partager ses coups de cœur sur l'antenne de Méga fm. 

Retrouvez "Ca pétille"  le mardi 9h50, le mercredi 17h50, le vendredi 12h50, le samedi 19h20 et le dimanche 9h40 et 16h50

 

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