C’est un réel plaisir de retrouve L’ombre des lumières une série ambitieuse à la fois ingénieuse et splendide exécutée par deux bédéistes qui maîtrisent clairement leur affaire.
Ils ont eu la bonne idée de s’inspirer d’un roman fascinant, Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos et de retranscrire avec brio le siècle des lumières une période marquée par une volonté d’émancipation des peuples, une percée de l’esprit critique, de la tolérance religieuse, du respect, du désir d’égalité mais également de progrès scientifiques.
Par le biais d’une relation épistolaire particulièrement prenante, et grâce à un personnage malfaisant, malveillant, corrupteur, irrésistiblement attachant, le chevalier de Saint-Sauveur, ils nous hameçonnent efficacement. L’homme est un loser magnifique, un héros machiavélique, manipulateur et fourbe.
On l’ avait laissé à la fin du 1er tome, sur un bateau en partance pour le nouveau monde ce qui ne l’enchantait guère. Il était en route vers les terres sauvages inexplorées du Canada mais une mystérieuse lettre du conte de Mirepoix que l’on va découvrir promptement va lui rendre le sourire. Ce dernier lui propose de commettre un nouveau forfait à la hauteur de son funeste talent. Une nouvelle mission dont risque de faire les frais une jeune noble du nom d Aimée et qui implique son intrigant valet iroquois Adario.
Dans ce passionnant second opus, les auteurs posent l’intrigue avant de nous guider dans une course poursuite succulente. On découvre d’abord Québec, les coureurs des bois, les premiers indiens puis d’autres de moins en moins civilisés avant de glisser vers une sauvagerie totale. L’action s’accélère et s’emballe jusqu’à atteindre un climax dans la violence. On se régale avec une narration qui frise la perfection et des textes de haut niveau dont la finesse transpire. Ce qui est particulièrement intéressant dans cette bande dessinée, c’est qu’elle nous donne différents points de vue sur une situation grâce à des personnages provenant d’horizons très divers, des aristocrates bien sûr mais également des gens du peuple et notamment de Gonzague, le serviteur philosophe.
On est absolument ébahis par la performance graphique de Richard Guérineau qui en à peine un an est capable de mettre en cases un story-board que l’on devine très élaboré. La charte graphique est singulière et dense. Le dessinateur nous immerge dans l’histoire grâce à un découpage original qui impose un rythme fou et des reconstitutions fabuleuses.
Son dessin est riche, détaillé, précis et ses couleurs qu’il dit « instinctives » subtiles et surprenantes. On est charmés par les diverses touches colorées et notamment par les ravissantes peintures de guerre des autochtones.
On notera également le soin extrême apporté à la maquette, les pages de garde à mi chemin entre les toiles de jouy et les pages intérieures de tintin, les motifs variés qui les ornent, la typographie, les effets de texture et le grand format qui met parfaitement en valeur le savoir-faire d’un dessinateur aussi brillant que modeste.
« L’ombre des lumières », ce n’est pas seulement une histoire complète en 3 tomes, c’est aussi et surtout un travail d’orfèvre, une collaboration réussie qui unit deux bédéistes qui prennent autant de plaisir l’un que l’autre à animer un bon méchant, savoureux, odieux mais persévérant. C’est une bande dessinée qui mérite vraiment le détour, un divertissement de qualité, un coup de cœur assuré à la fois captivant et éclatant que je vous recommande chaleureusement.
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