C’est un biopic documenté et passionnant sur un monstre sacré, un être fascinant qui fut tour à tour journaliste, romancier, résistant et académicien. L’aventurier intrépide qui se promenait d’un pays à l’autre possédait une force de caractère extraordinaire et avait le don de se trouver chaque fois au bon endroit, au bon moment et toujours au mépris de tous les dangers. Cet homme né en Argentine avait connu l’exil très tôt. Arrivé en France, il embrassa la langue française avec passion.
Culturellement juif et pourtant agnostique, le reporter avait une impressionnante capacité à survivre en milieu hostile, à s’adapter au contexte en se mélangeant à la population.
Les auteurs signent une rétrospective de sa vie à la fois intéressante, très complète qui se démarque des nombreux écrits que l’on peut trouver sur le baroudeur. Ils sont partis d’un témoignage capté 4 ans avant sa mort par le neveu de « Jef » et qui fut confié à Jonathan Hayoun et Judith Cohen Solal.
A partir de cette matière exceptionnelle, ils mettent en scène un homme qui sur le tard revient sur les grandes lignes de sa vie. Il le fait avec confiance, livrant comme il l’entend, avec une grande maîtrise, les éléments qu’il souhaite porter à la connaissance de son auditoire. Malgré les digressions, tout semble calculé.
Le témoignage laisse transparaître un oiseau de nuit fin, habile qui a dévoré la vie. A travers les nombreux non-dits, on perçoit un être complexe dont on saisit assez vite les zones d’ombre. Il y a les femmes bien sûr, l’alcool, la fête et une quête sous-jacente de la noirceur humaine avec son bagage émotionnel.
Et puis, il y a en filigrane son frère, Lazare, avec lequel il avait une relation fusionnelle, un fantôme précocement disparu et une première épouse adorée qui ne le quittèrent sans doute jamais.
Spectateur du chaos, témoin parmi les hommes, il est au cœur d’une narration épique qui se lit comme un captivant récit. On est littéralement entrainés dans une course à travers le temps. Avec lui, on redécouvre la guerre 14, le conflit irlandais, la montée du nazisme en Allemagne la guerre d’Espagne, la second conflit mondial, la naissance d’Israël et puis l’Afrique, la Birmanie et l’Afghanistan mais aussi la genèse de ses principaux romans.
Après ses récents albums consacrés à la radicalité et à l’islamisme, Nicolas Otéro s’est emparé de ce script très structuré et du héros auquel il donne judicieusement vie.
Grâce à une documentation photographique que l’on devine importante, il fait vieillir son personnage principal avec adresse. Il restitue son charisme, sa prestance et son charme. Son dessin numérique précis conserve un côté crayonné extrêmement plaisant. Son travail sur les niveaux de gris apporte volume et relief mais l’atout majeur de ce titre c’est sans aucun doute l’homogénéité entre les illustrations et la couleur.
Le traitement coloré de cet opus est une réussite totale. Le rendu aquarellé fait le lien entre les diverses images. Les gammes sont codifiées en fonction des époques. Oniriques et douces, elles accompagnent le lecteur dans la découverte tout en délivrant une approche contemplative subtile.
Kessel l’indomptable, c’est un hommage superbe mais également un voyage à travers l’histoire agréable et envoûtant.
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