Après avoir fortement marqué les esprits avec Tananarive, puis À mourir entre les bras de ma nourrice, l’auteur qui partage son temps entre audiovisuel et BD démontre qu’il maîtrise les récits sombres et qu’il s’y connaît pour s’entourer des meilleurs ou dénicher des talents prometteurs.
Il nous embarque, cette fois, dans une station balnéaire déserte, située dans le sud de l’Espagne, un endroit idéal pour les criminels en cavale. Notre personnage principal Saïd est venu s’y faire oublier. Il évolue furtivement, en toute discrétion. Il a ses habitudes, un quotidien rythmé par la fréquentation d’une professionnelle du sexe et par quelques excursions sportives. Le gangster est sur les dents et même si le soleil est toujours au rendez-vous, l’anxiété le tenaille. Au bout du rouleau, il a la surprise de voir débarquer un curieux voisin aussi intrigant que collant. L’homme semble sympathique et inoffensif. Ils vont développer, en peu de temps, une relation assez atypique, spéciale, jalonnée de complicité et de sueurs froides.
C’est un excitant one shot que nous propose ici Mark Eacarsall, une immersion dans la clandestinité et le banditisme. À sa manière et comme le fit en son temps le brillant Laurent Astier dans Face au mur dans lequel il revient sur l’expérience de Jean-Claude Pautot , il met en lumière la vie peu reluisante d’un homme traqué. On ressent parfaitement les fragilités de Saïd. On ne connaît pas son passé, on sait peu de choses sur lui et pourtant on a rapidement de la compassion pour un personnage qui subit son existence et porte le poids de ses écarts.
Grâce à un traitement cinématographique subtil et un prodigieux sens de l’épure, il nous captive avec une narration qui nous prend rapidement aux tripes et dont le final tient toutes ses promesses.
On est aspiré grâce à un découpage hyper efficace, des pages qui défilent très vite entrecoupées de respirations, des doubles pages contemplatives insérées avec beaucoup d’adresse.
Les cadrages sont variés et toujours pertinents. Le travail sur les dialogues, le texte induit un savoir-faire évident et une belle intention de laisser la première place aux images.
Si le dessin de James blondel est assez classique, il est aussi élégant que percutant. Il accompagne avec brio un script qui conserve des zones d’ombre et qui laisse aux lecteurs le soin d’imaginer ce qui n’est pas rigoureusement indiqué.
Les effets de lumière, les contrastes génèrent des ambiances savoureuses.
CALLE MÁLAGA c’est un ouvrage qui se dévore. Il est à la fois noir, glaçant, succulent et impressionnant aussi convaincant sur le fond que sur la forme. Il s’en dégage une impressionnante maîtrise qui résulte de l’heureuse association de deux bédéistes de grand talent. Good job ! Bravo les guys.
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