Pendant 4 années il a écrit les 300 pages qui composent ce succulent récit. Il a ensuite patiemment mis en cases cette fiction réaliste avec laquelle il nous régale depuis quelques années et qui s’est finalement imposée grâce à ses différents degrés de lecture comme une œuvre transgénérationnelle importante au même titre qu’Astérix et Tintin.
C’est un projet considérable que le Grand Boum 2019 a mené à son terme avec la volonté sincère de contribuer au devoir de mémoire par le biais d’un ex-groom que l’on ne présente plus. Il peut être comblé car il est l’artisan d’un indiscutable succès populaire et critique qui fut justement consacré à Angoulême où il a obtenu le fauve de la meilleure série.
Son formidable travail est l’objet d’expositions dans les musées et lieux dédiés à la bande dessinée mais Il constitue également une matière de premier ordre qui est étudiée dans les écoles.
L’artiste a su rebondir sur l’immense succès du journal de l’ingénu publié en 2008 dans lequel il raconte l’éveil de ce fabuleux personnage. Il a été bien inspiré car il avait bien d’autres choses à traiter. Avec cette saga passionnante il ambitionnait d’expliquer comment ce petit bonhomme créé par Rob-Vel en 1938, qui était initialement la mascotte du journal, un adepte de mauvaises farces est progressivement devenu le héros attachant dont Franquin raconta les aventures dès 1946 et d’autres après lui.
Emile Bravo nous dévoile en quatre albums comment sa conscience s’est développée lors de la période de l’occupation nazie en Belgique. Il nous explique comment il a abandonné une certaine candeur pour devenir ce garçon mâture, charmant et attentif aux autres. L’idée était à la fois ingénieuse et pertinente.
Il revient non seulement sur l’évolution d’un protagoniste majeur de la bande dessinée mais il en profite surtout pour décrire et revivre une période qui l’interroge et le fascine.
Il nous raconte en quatre tomes comment cet enfant et ses contemporains furent emportés dans un chaos terrible, bousculés par un trauma aux conséquences durables.
A ses côtés, on va appréhender la dangerosité du nazisme, les crimes et les horreurs qu’il engendra.
Dans cet ultime volet, (le plus court des 4 mais pas le moins intéressant) la narration est à la fois dense et fluide, le bédéiste n’aborde rien de moins que la fin de la guerre, la résistance et les engagements tardifs, les représailles, le prestige des alliés, les dénonciations, les derniers combats, l’enrôlement de force, la création d’Israël, la colonisation et les camps.
Il complète l’objet d’un épilogue qui contient une réflexion subtile sur la vie.
Le bédéiste emploie un dessin traditionnel assez chic, un découpage classique qui confère un côté vintage assumé et colle parfaitement aux propos. Il redonne vie aux acteurs qui entourent la légende et ravive pour ses personnages juvéniles l’univers enfantin que l’on peut trouver dans les vieux films. Il s’est également logiquement inspiré des gens qui existent et gravitent autour de lui.
Les jolies couleurs numériques de Fanny Benoit participent à la réussite de la série. Elle a créé des ambiances qui nous plongent immédiatement dans une époque terrifiante.
Avec L’espoir malgré tout édité par Dupuis, l’auteur signe une chronique claire et documentée, une fable humaniste et singulière dans laquelle il résiste à la tentation facile de ne retenir que les faits rocambolesques. A la différence d’autres opus sur le sujet, il a adopté le parti pris de mettre en relief l’attitude d’un personnage bien éduqué, sympathique et généreux, qui a des valeurs et fera le choix de ne pas commettre d’actes violents. Il traverse les épreuves avec courage et altruisme ce qui le rend d’autant plus remarquable. Il est désormais ce jeune homme positif, sérieux et fûté qui contraste parfaitement avec Fantasio, son faire-valoir impulsif.
Emile Bravo transmet les faits à sa manière, avec pédagogie et finesse. Les admirateurs de Spirou devraient s’entendre pour convenir que cet album conclusif permet au scénariste de passer le relais au papa de Gaston avec beaucoup de malice, de classe et d’élégance.
Ca pétille c'est la chronique qui vous permet de suivre toute l'actualité de la bande dessinée, avec la présentation d'une nouvelle BD chaque semaine !
Stéphane Berducat vous fait partager ses coups de cœur sur l'antenne de Méga fm.
Retrouvez "Ca pétille" le mardi 9h50, le mercredi 17h50, le vendredi 12h50, le samedi 19h20 et le dimanche 9h40 et 16h50