La sortie de cette bd par le maître italien constitue pour les bédéphiles un événement incontournable. L’artiste dont la réputation n’est plus à faire s’empare ici d’un chef d’œuvre épais avec la délicate mission d’en extraire l’essentiel.
Il a accepté de relever ce défi et de produire sa version du bestseller. Il signe avec ce Livre premier une entrée en matière lumineuse s’intéressant d’abord à la genèse de l’œuvre avec quelques pages consacrées au romancier avant de contextualiser efficacement l’histoire dont témoigne ici le séduisant Adso de Melk, secrétaire et disciple de Guillaume de Baskerville dont on s’apprête à découvrir l’érudition et les pertinentes déductions.
Après l’éblouissement suscité par des paysages enneigés, il nous infiltre dans un monastère somptueux, une riche abbaye dans laquelle le vieux franciscain et son disciple mèneront une enquête captivante. On y revisite des temps obscurs où l’inquisition recherchait partout la moindre trace du malin. On perçoit son influence, la crainte qu’elle inspire et les tensions nettes entre les ordres et les moines toujours prompts à défendre leurs convictions.
Le bédéiste a naturellement procédé à des ellipses mais il reste fidèle au texte initial conservant le mystère épais qui entoure le succulent polar médiéval. On découvre progressivement les disparitions étranges des moines bénédictins et on guette la confrontation théologique à laquelle vont se livrer franciscains et représentants du pape avant de se diriger sur une rencontre et un final attendu mais magistral.
Milo Manara introduit la beauté dans une époque sombre et répugnante, dès les premières pages ses cadrages et son dessin méticuleux nous embarquent complètement. Il semble défier la laideur et l’inculture, la violence et la crasse.
Avec ses décors léchés et ses personnages travaillés aux traits fins et clairs, extrêmement distincts les uns des autres, il nous subjugue. Malgré ses 78 ans, il conserve une maîtrise totale de son art, son coup de crayon expérimenté suscite de l’admiration, sinon du respect. Il nous prouve, si on en doutait, qu’il est aussi habile pour illustrer la beauté, suggérer l’érotisme que pour reproduire des lieux saints, enluminures, et monstruosités de toute sorte.
Les belles couleurs de Simona Manara contribuent au climat mystique et terrifiant de cet opus liminaire accompagnant chaque séquence avec pertinence.
Avec cette bande dessinée dont le graphisme est un enchantement, l’adroit créateur, artisan chevronné facilite l’accès à un monument littéraire et nous donne une furieuse envie d’en connaître tous les détails.
La tentation est forte une fois cette bande dessinée refermée de se précipiter sur l’ouvrage original paru en 1980 mais aussi de découvrir les sublimes prestations de Sean Connery et Christian Slater en attendant patiemment la suite d’un divertissement ensorcelant, diabolique et raffiné.
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