Il donne les clés pour comprendre son héroïne, une personnalité incontournable de notre pays. Récemment panthéonisée, elle a traversé une belle partie de notre histoire contemporaine et occupé des fonctions politiques de premier ordre. Elle a aussi vécu les camps de concentration, participé à la construction européenne et contribué aux avancées majeures en matière de droit des femmes.
Le jour de sa mort, le rédacteur en chef du journal Le monde commande à Annick Cojean, grand reporter et amie de l’ex-ministre un article sur sa relation avec la défunte. Elle doit produire le texte en vingt quatre heures, un délai relativement court pendant lequel elle va se remémorer les entretiens accordés et leurs diverses rencontres au cours des décennies passées.
Voici la base de ce récit, sa ligne directrice, une restitution de moments privilégiés conjuguée au rappel des combats politiques. Elle va nous aider progressivement à percer la carapace du personnage public et accéder à la femme.
Annick Cojean et Simone Veil ont entretenu une relation amicale durable. Elles ont rapidement dépassé les frontières professionnelles pour tisser des liens solides. Elles se sont appréciées puis aimées. Elles avaient en commun un engagement viscéral pour le droit des femmes et un attachement déterminant à la mère qu’il est indispensable de décrypter pour espérer les comprendre. C’est la pierre angulaire de ce livre, la mise en relief de ce rapport si particulier qui apporte des explications sur le personnage, sa manière de penser et ses actes.
Ce roman graphique illustre l’article rédigé par la journaliste en fin d’opus. Il se distingue d’autres productions plus romancées par son approche journalistique rigoureuse et la fiabilité des informations délivrées. Il s’enrichit du contenu de longues séances de travail enregistrées pendant lesquels Xavier Bétaucourt a interrogé la complice de la grande dame. Les échanges ont cédé la place à la construction de scènes et au découpage, puis à la création des textes et dialogues.
La narration restitue une vie incroyablement riche, elle souligne un engagement contre l’injustice qui dépasse les clivages politiques, des convictions solides et un militantisme pour le droit des femmes sincère et sans limites.
L’auteur va à l’essentiel tout en s’autorisant des pas de côté absolument passionnants.
Il brise l’image terne et austère de la femme au chignon distante laissant entrevoir quelqu’un de profondément humain, une personne fidèle, peu technocrate et capable de puiser de vastes ressources auprès de sa famille et de ses amis.
Avec objectivité et sans aucune volonté de sensationnalisme, les auteurs nous dévoilent des bribes d’intimité, des moments instructifs et précieux comme cette visite à Auschwitz où à huis clos, l’Immortelle se confie sur l’Enfer des camps.
On y découvre sa vie privée, ses profondes amitiés, les coulisses de sa panthéonisation et les réactions de ses très proches quant au déplacement de son corps dans le monument où elle repose désormais au côté de son époux.
Étienne Oburie a réalisé une prestation graphique hyper lisible, agréable et élégante qui touchera bien plus que les amateurs de Bande dessinée. Avec un choix de couleurs qu’il juxtapose habilement, il nous transporte d’une époque à une autre. Il apporte de la clarté et de la cohérence à une narration thématique prenante.
Simone Veil ou la force d’une femme est une contribution importante car l’album permet de mieux cerner une femme qui fut extrêmement populaire mais aussi le modèle de toute une génération.
Approuvé par ses proches, l’album redouble d’intérêt car il est à la fois didactique et intimiste.
C’est un hommage à une figure féministe de première ordre, une femme intègre, indépendante et combative qui s’est sans démagogie investie pour que notre société se transforme et évolue en profondeur.
C’est aussi et enfin un one shot complet et émouvant que je vous recommande vivement.
Ecoutez la Chronique :