un peu plus tôt que prévu sur les bancs de l’école avec une bande dessinée consacrée à la pédagogie initiée par un homme de conviction, profondément marqué par la guerre et résolu à enseigner différemment.
Pour cela, il a expérimenté en qualité d’instituteur différentes techniques avant de les partager et de les diffuser dans un journal d’abord puis lors de conférences. Ses idées essaimées au fil du temps ont fait pas mal d’adeptes.
La journaliste Sophie Tardy-Joubert revient sur une partie de la vie d’un pionnier avec un parti pris pertinent, ne pas établir une biographie mais définir les lignes directrices d’une réflexion. C’est pourquoi elle commence son récit en 1920, lorsqu’il est affecté en qualité d’instituteur au Bar-sur- Loup et le termine lorsque le Front populaire par l’intermédiaire du ministre Jean Zay reconnaît la légalité de l’école privée, laïque et prolétarienne qu’il fonda avec son épouse en 1935 à Vence.
C’est un choix net que fait ici l’autrice. Elle retranscrit les grandes étapes d’un cheminement qui répond à l’envie de mettre l’enfant au centre du système scolaire, une méthode active et participative, différenciée qui prend chaque enfant comme il est et le pousse grâce à un tâtonnement expérimental à progresser à son rythme. L’autorité et la transmission collégiale n’est plus une priorité, on favorise les échanges, le petit groupe. La classe n’est plus le seul endroit d’apprentissage et la place des arts, de l’activité physique est encouragée.
Elle établit un inventaire intelligent des innovations introduites et on se rend compte qu’elles sont nombreuses, l’observation du milieu naturel, la production de textes libres, la correspondance scolaire, l’imprimerie, la création d’un journal, l’individualisation du travail et une prédilection pour la coopération.
C’est un récit documenté et clair, qui ne cède pas aux polémiques. Sa créatrice met toutefois en lumière l’indéfectible soutien de son épouse et les obstacles surmontés vaillamment.
Par le biais d’une pirouette scénaristique, elle montre à quel point Célestin Freinet était un visionnaire. Certaines de ses audacieuses préconisations n’ont d’ailleurs pas pris une ride.
Elle montre encore comment pour cet inventeur insatiable de dispositifs nouveaux, enseigner est un acte politique important visant moins à faire connaître plein de choses qu’à parvenir à décrypter le monde qui nous entoure en cultivant chaque jour un nécessaire esprit critique. Il ambitionnait de responsabiliser l’élève afin de l’aider à trouver sa place dans la société.
Aleksi Cavaillez signe la partie graphique de ce livre généreux. Son dessin réaliste et agréable complète habilement une narration accessible. Il a parfaitement saisi un personnage qui nous enthousiasme par sa détermination et son engagement.
Il respecte un découpage assez classique qu’il n’hésite pas à bousculer quand c’est nécessaire ce qui est judicieux lorsque l’on parle d’un homme souvent hors-cadre. Afin de marquer la temporalité, il a recours aux couleurs pour indiquer le présent et de belles nuances de gris pour marquer le passé.
Freinet, l’éducation en liberté est un album intéressant et un bel hommage. Il met en relief l’énergie et la passion d’un précurseur, sans doute moins lisse que d’autres, mais dont la méthode a incontestablement révolutionné la manière de faire la classe et inspire encore aujourd’hui de nombreux enseignants.
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