Sa couverture splendide annonce clairement un dénouement cruel et une prometteuse tragédie. L’acte I est une entrée en matière palpitante, un opus généreux qui plante le décor et nous captive littéralement.

C’est une œuvre théâtrale puissante, une série ado adulte dans laquelle sexe, violence et humour sont au rendez-vous. Hérik Hannah nous embarque à la fin du moyen âge dans un univers qu’il a patiemment composé et qui se nourrit de nombreuses références empruntées à la littérature et au cinéma.

On sent une longue maturation et on se régale d’avance de savoir qu’avec l’éditeur, les auteurs ont prévu une conception feuilletonesque avec des épisodes aux sorties très rapprochées. Le projet est déjà scénaristiquement bouclé, le dessinateur serait déjà sur le point d’achever le tome final.

Les bédéistes nous guident dans le royaume des lions, un empire sur lequel règne un suzerain vieillissant que beaucoup aimeraient voir tirer sa révérence. Le vieux lion est attaché à la paix, à la fraternité entre espèces mais il y a chez les félins, des intrigants désireux que son fils lui succède, que la progéniture royale tue son géniteur. Malgré les encouragements de sa mère, le prince s’y refuse dévoilant un tempérament qui n’a rien de celui d’une bête sauvage. A l’inverse de son frère aîné, il semble animé d’une sagesse qui résulte peut-être de ses nombreux voyages. Nous sommes à la veille d’une déclaration du monarque, un moment solennel déterminant pour lequel des délégations de chaque royaume ont fait le voyage.

L’expérimenté scénariste enchaîne les séquences à un rythme rapide. Les scènes se succèdent avec maestria, et nous entraînent facilement grâce à un découpage inventif et immersif.

On apprécie particulièrement des formats de cases variés et un sens du cadrage impeccable.

Avec ses personnages anthropomorphes fabuleux il rend un magnifique hommage aux fables et à l’illustre Jean de la Fontaine. Les clichés universels sont repris avec finesse. Mention spéciale pour les animaux qui introduisent l’humour dans le récit avec un cerf ménestrel attachant et hilarant.

Hérik Hannah a composé des textes affûtés et malgré le genre auquel il se confronte conserve la prime place aux illustrations. Ses mots sont distillés avec malice et contrastent intelligemment avec le style graphique, à la fois numérique et lisse de l’album. Le lettrage de Stevan Roudaut est pertinent.

Redec a conçu pour la série des décors réalistes travaillés qui témoignent d’un intérêt prononcé pour l’architecture. Ses personnages cartoony, très précis sont somptueux et son casting impressionnant. Il transporte les écosystèmes dans un milieu varié.

Il est l’artisan d’une esthétique qui nous subjugue du début à la fin.

Les couleurs de Simon Lou Canthelou apportent une dimension fantastique délicieuse. Il signe des ambiances renouvelées et inspirées, multiplie les effets pour nous faire ressentir une tension dramatique qui monte crescendo.

Le royaume sans nom est le fruit d’une longue collaboration entre des artistes qui connaissent leur affaire. Hérik Hannah et Guillaume Redec forment un monstre bicéphale, une machine de guerre douée pour concevoir et mettre en cases une narration percutante où tout est savamment dosé.

Ce tome introductif est époustouflant, c’est un immense coup de cœur.

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