Édité par Dupuis, affublé d’une couverture intrigante et réussie, l’album se distingue par la thématique abordée, sa subtilité et un traitement à la fois poétique et glaçant.
Après avoir séduit le public et la critique avec des titres forts et percutants, « Sous le lit » « Touchées », « La dame Blanche » et « Toutes les princesses meurent après minuit », le bédéiste est de retour avec un roman graphique dans lequel il adapte avec finesse l’émouvant roman de Mario Bellatin.
Dans cette œuvre bouleversante, le romancier mexicain, finaliste du prix Médicis étranger en 2000, revient sur un scandale sanitaire majeur, la prolifération au sein de la communauté homosexuelle d’un mal mystérieux et incurable dont il ne prononce jamais le nom. À travers ses lignes, on se remémore une tragédie, une épidémie et ses ravages mais également l’effroi, la peur et la solidarité.
Dans ce récit, il narre comment un salon de beauté tenu par des travestis, un lieu vivant et branché, le beauty fish se transforme peu à peu en un endroit où les gens malades viennent s’entasser et mourir loin du regard d’une population passive voire agressive.
L’artiste a eu du flair lorsqu’il a accepté la suggestion de son éditrice. La découverte du livre a suscité, on l’imagine aisément une vive agitation. L’homosexualité est au centre de son travail, il était donc naturel qu’il s’empare de cette matière et se consacre à la doter d’une parure relevée et singulière. Il a rencontré l’écrivain et comprit rapidement qu’il avait la capacité d’ enrichir le texte, d’apporter une autre dimension à un univers fécond. Il s’est brillamment approprié l’ouvrage. Il traduit en images de puissantes métaphores qui nous saisissent inéluctablement et saupoudre le texte de magie, d’élégance et de charme.
Il s’est lancé dans un découpage simple et efficace, varié et rythmé qui met activement en relief une histoire tragique qui nous prend à la gorge, laisse la part belle aux émotions et nous submerge rapidement. Il campe des personnages attachants, des personnalités fortes, touchantes qui assument leur identité et envies. Il magnifie les êtres qu’il transforme en sirènes. Il puise dans l’imagerie queer, offrant un rendu à la fois décalé, original, érotique et sensuel.
La prédominance de la couleur verte qui prend au fil des pages de plus en plus de place nous immerge dans un monde qui coule, dans une vase qui peu à peu prend toute la place. On assiste alors à un enlisement désespéré et funeste.
Salon de beauté est un hommage saisissant, une performance étourdissante qui marque les esprits, donne à réfléchir et prouve si on en doutait que Quentin Zuttion est un créateur qui monte en puissance. Après un Fauve spécial du Jury Jeunesse 2023 pour « Toutes les princesses meurent après minuit », il dévoile ici une autre facette de son talent, se démarque et s’impose avec une bande dessinée poignante et captivante dont nous allons très certainement entendre beaucoup parler cette année.
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