Seul maître à bord, l’artiste poursuit sa fresque historique avec un sixième tome copieux qui constitue une habile transition.
Il nous avait laissé sur un cinquième tome magistral, un album complexe, splendide, très documenté édité par Dargaud. Grâce à de superbes tableaux, il nous introduisait subtilement au cœur de l’action avec des combats mis en scène avec brio, des confrontations percutantes, sanglantes, un spectacle en costume très maîtrisé auquel le lecteur assistait émerveillé.
Ce dernier volet permet à son créateur de relancer son intrigue et de nous embarquer vers d’autres aventures. La brouille a atteint son paroxysme entre les deux amis d’enfance. Ils ont partagé les coups, les femmes, la formation mais semblent définitivement irréconciliables. Le premier, Arminius, est devenu un chef de guerre puissant, un fin stratège qui semble tirer avantage de toutes les situations tandis que le second n’est pas parvenu à déjouer la conspiration contre sa chère patrie. Enrico Marini organise les retrouvailles entre les deux frères ennemis tout en donnant des nouvelles de vieilles connaissances, Morphéa, notamment, que l’on voit désormais sous un tout autre angle. L’insatiable prostituée apparaît désormais sous les traits d’une mère qui souffre et réclame sa vengeance.
Beaucoup de choses ont changé à Rome, la perte des trois légions et la cuisante défaite de Varus à Germania ont traumatisé la population et ses dirigeants. Affaibli, Augustus a été empoisonné et sa succession laisse entrevoir rivalités et conflits. On retrouve dans cet épisode, les atouts d’un divertissement captivant. La sensualité, la perfidie et la cruauté sont au rendez-vous.
Une fois encore, on suit une galerie de personnages fabuleuse et composite. Il y a les opportunistes, les ambitieux, un joli reflet de l’âme humaine.
Ils sont nombreux à avoir péri mais ceux qui ont survécu ont retrouvé énergie et espoir. Marcus Falco est au centre de cette narration. L’homme a connu la disgrâce. Il a perdu son amour, son fils et lorsqu’il apparaît dans l’arène, il ne fait aucun doute qu’il n’est plus le même. Il est fermé, froid et semble inarrêtable. Suivre ses péripéties dans cet ultime chapitre est un pur bonheur. Vif, impitoyable, il s’agite comme un diable.
Quelle joie de retrouver l’artiste italien dans ses œuvres ! Ses acteurs sont inspirants, brossés avec talent, son écriture est rythmée et efficace. Son dessin détaillé et élégant est un pur régal au même titre que sa science du cadrage et sa maîtrise des couleurs. Il s’amuse avec les ombres et les lumières et nous gratifie au passage de trois doubles pages époustouflantes.
Les personnages sont une fois encore au centre d’un récit palpitant et les décors sont soignés et travaillés.
On ressent clairement l’engagement du bédéiste et son enthousiasme à l’idée de mener cette épopée à son terme. Il nous guide sereinement dans une Rome fascinante où le danger et les complots sont légion.
Avec ce dernier chapitre des Aigles de Rome, le bédéiste nous démontre qu’il en a sous le pied et que nous avions raison de lui faire confiance. La conclusion est habile et haletante. Il ne nous reste plus qu’à espérer un septième opus de la saga rapide et du même calibre.
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