C’est un album qui a la particularité d’offrir plusieurs niveaux de lecture. Il est abordable à partir de 10 ans grâce à des personnages enfantins irrésistibles, une lisibilité singulière et un glossaire pertinent qui clôture l’opus.
C’est une balade estivale qui nous transporte en Louisiane à Sunny Point, vers la fin des années 1930 dans un univers violent où la ségrégation et la pauvreté sévissent durablement. Dans ce monde hostile, deux enfants innocents et différents sont malgré toutes les règles sociétales en vigueur amis. Otis est un petit garçon noir qui vit au sein d’une communauté exploitée et victime de persécutions. Red est un enfant pauvre, délaissée par une mère isolée qui cherche simplement à payer ses factures. Leur amitié est pour les deux enfants une bouffée d’air, elle leur apporte un peu de bonheur dans une existence morose et difficile. Leur quotidien est bousculé par l’arrivée de Mrs Duville et sa fille Shelley qui proviennent de Philadelphie. Les arrivantes font preuve d’une ouverture d’esprit qui dénote avec celle des autochtones. Shelley est une demoiselle à la santé fragile, en quête d’évasion, elle ne laissera pas les garçons indifférents. Ensemble, ils s’apprêtent à vivre une tranche de vie mémorable, un été qui les marquera à tout jamais.
L’auteur introduit avec astuce l’intolérance auprès des jeunes enfants effectuant du même coup une plongée dans le temps terrifiante. Il établit des ponts avec la littérature américaine, nous rappelant parfois les folles péripéties de Tom Sawyer le fameux personnage de Mark Twain.
Là où les bambins verront principalement les péripéties d’un duo puis trio intrépide dans un climat oppressant, un lecteur plus expérimenté percevra immédiatement l’horreur à l’aide des nombreux indices adroitement glissés et il faut reconnaître que l’accumulation est glaçante.
La prestation graphique de Johann G Louis est savoureuse et délicate. Elle contraste habilement avec la gravité du sujet. Le découpage livre une étonnante impression de liberté, avec une absence de contours et des phylactères arrondis.
Le regard est immédiatement capté par des images qui se succèdent finement, des décors ultra-détaillés et des couleurs réalisées à l’aquarelle qui subliment l’ensemble.
Swamp c’est une bd de qualité qui a de nombreux atouts notamment une BO qui facilite l’immersion. Même si la fin est peut-être un peu abrupte, elle nous laisse sur une belle impression. Avec les frasques de quelques gamins, l’ex-décorateur nous confronte subtilement à l’histoire mouvementée des États-Unis et soulève du même coup un paquet d’interrogations. Ce livre est, en effet, idéal pour aborder des thématiques délicates, le racisme, la misère, l’injustice, c’est aussi une bonne idée de lecture pour les vacances et un régal pour les yeux.
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