C’est un récit pour lequel son auteur s’est soudain intéressé à ses origines décidant de dénouer le vrai du faux. Il nous embarque à cette occasion dans une enquête passionnante qui vise à éclaircir les causes du meurtre de son grand père juif Abraham par un jeune arabe qu’il avait adopté des années auparavant. C’est une narration composée de flashbacks qui nous permettent de mieux appréhender une partie de l’histoire d’Israël et à travers elle la relation judéo-arabe et l’identité des juifs arabes.
Pour relever ce défi et mettre en lumière une situation complexe, l’artiste a retenu un procédé efficace. Après une introduction honnête dans laquelle il admet ne pas en savoir beaucoup sur ses racines familiales, il exploite alors un mode opératoire simple.
La page de gauche toute en nuances de gris nous évoque son retour en Israël après ses études en 2001 tandis que la page de droite, colorée nous entraine aux côtés de ses ancêtres entre 1929 et 1936.
Il se livre avec sincérité évoquant ses doutes, son mal être et ses difficultés pour retrouver un emploi et se mêler à la population. On entrevoit facilement les tourments d’un jeune adulte qui par nécessité est contraint de retourner chez ses parents. Et puis, il y a la nana avec les boucles, qui apporte une autre dimension et un peu de frivolité.
Au fil des pages, il nous administre un cours de géopolitique subtil, une explication nourrie et une démonstration brillante de ce à quoi l’intolérance mène. Grâce à lui, on assiste à une aggravation des tensions génératrice d’événements tragiques.
Par le biais d’ une mise en scène intelligente, on perçoit facilement l’ambiance et le désarroi lié à un engrenage dramatique sur lequel chacun se fera son idée.
Côté dessin, le bédéiste signe une prestation séduisante toute en retenue, on perçoit une belle énergie et un sens du détail fort agréable.
Les couleurs et nuances mettent subtilement en relief les émotions qui déferlent et nous prennent à la gorge.
Avec ce titre, Asaf Hanuka qui avait brillamment mis en cases les mots de Roberto Saviano dans Je suis toujours vivant fait une fois encore preuve de courage en choisissant de traiter un thème sensible et clivant. Il mène sa barque avec beaucoup de tact, de distance offrant au final un témoignage construit et intéressant, une contribution nécessaire, afin de mieux comprendre le monde qui nous entoure et de se libérer sans doute aussi d’un lourd passé.
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