C’est une histoire de résistance annoncée par un palindrome brillant au son clinquant. Elle se déroule sur une terre rude, le Canada, un paradis fiscal pour les compagnies minières. Elle nous hameçonne dès les premières pages avec un choc puis la découverte d’une sphère en diamant noir, un objet tellurique, profond qui permet entre autre d’évoquer l’irruption du fantastique dans nos vies et de réfléchir à notre rapport au monde. L’auteur utilise une narration rythmée avec des accélérations, des flash backs, des temps forts et des double pages muettes fascinantes. Elles correspondent à des moments charnières, des instants de grâce qui nous laissent admiratifs.
Il a imaginé comme narrateur et personnage principal un ancien joueur de hockey reconverti. Il rapporte les faits avec des textes en lettres capitales quand il décrit puis en lettrage cursif lorsqu’il partage son ressenti. Ce procédé narratif est habile car il suscite une connivence accrue tout en stimulant l’ intérêt du lecteur.
Philippe Gauckler illustre parfaitement l’opposition radicale entre un extractivisme forcené et un respect profond pour la nature et sa générosité, l’inéluctable montée des tensions puis la confrontation entre deux modes de vie antinomiques.
Côté dessin, l’artiste nous offre une prestation de très haute volée. Chaque planche est le fruit d’une technique traditionnelle maîtrisée. Les mises en scène sont soignées, la reproduction poussée des objets techniques apporte un côté SF jubilatoire. L’utilisation d’encres colorées, d’eau de javel, d’aquarelles témoignent d’un long travail sur chaque page, optimise les effets et apporte un rendu en couleurs directes époustouflant.
KEBEK est un régal graphique. C’est aussi une œuvre parfaitement dans l’air du temps et c’est là tout son génie.
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